Vincent Engler, Toujours plus
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Sa fiertéL'envie et la volonté d'avancer, toujours plus
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Quel a été votre parcours ?
« A ma naissance, au cours de l’accouchement il y a eu un traumatisme grave de la moelle épinière entraînant pour ma part une lésion du plexus brachial. Cela se traduit par un bras inerte, je n’ai pas de sensibilité, depuis les doigts jusqu'au coude, des douleurs nerveuses et osseuses qui s’accentuent quand mon état de santé général n’est pas bon, surtout lors de poussée de fièvre. Par contre l’épaule fonctionne, après une première opération réussie.
Ma relation avec les autres a été difficile au collège et, ma scolarité en a pâtit. Petit à petit, j’ai mis en place l’autodérision, afin de me protéger des autres. Cette prise de recul m’a permis de mieux vivre et ainsi d’avancer. J’ai décidé d’arrêter la rééducation qui ne m’apportait rien de mieux et je préférais consacrer cette énergie à des choses plus productives.
Au lycée, les choses se sont améliorés et de ce fait, j’avais de meilleurs résultats, au fur et à mesure de ma progression dans mes études les railleries disparaissaient, je me sentais mieux et je pouvais me consacrer à mes études. J’ai passé un BTS et une licence dans le secteur tertiaire, je suis allée 6 mois à l’étranger pour apprendre l’anglais, et ai obtenu une licence en informatique.
Dans ma jeune scolarité, on m’a bridé par rapport à la voie électro-technique que je voulais prendre, alors j’en profite maintenant pour apprendre, changer de voie, me perfectionner et surtout faire ce que j’ai envie. Pour moi il n’est pas question de vivre aux crochets de la société, je veux travailler et être indépendant. C’est dans ma nature d’avancer, et de ne pas trouver de fausse excuse pour me laisser aller. Pour moi, travailler c’est une question de volonté.
J’ai travaillé dans les fonds d’investissements pendant 7 ans, ensuite comme consultant en informatique pendant un an, et maintenant, je suis mandataire immobilier. Dans ce travail j’aime cette liberté de m’organiser comme bon me semble. Ce côté indépendant me va : être mon propre patron, pas de compte à rendre.
Quel est votre état d’esprit ?
Je pars du principe que l’on ne peut attendre grand-chose des autres, je me suis tellement justifié, expliqué, par le passé, que j’en ai assez. Cela devient fatiguant à force surtout que c’est stérile, je préfère de loin échanger avec une personne qui a le même handicap que moi car je sais que cela va servir et qu’elle me comprendra, je veux aller à l’essentiel et arrêter de prendre du temps avec des personnes sans intérêt. Je suis déjà suffisamment bridé par ce bras, que je ne supporte pas que l’on me dise ce qu’il faut que je fasse et surtout ce que je ne peux pas faire. Il n’y a pas de barrières, pas de limites, la vraie prison est dans la tête, rien d’autres. J’applique tous les jours le même principe : avancer.
J’ai la volonté de partager mes expériences, d’être dans l’échange et d’informer sur ce handicap.
C’est lors du déménagement de la maison parentale, que j’ai retrouvé des feuillets que j’avais écrits quand j’étais petit. Donc j’avais déjà envie d’écrire à ce moment-là et de partager. Ça été un déclic, j’ai jeté ces feuillets comme si je jetais mon passé et j’ai écrit mon livre « Grandir avec son plexus brachial » Cela m’a pris beaucoup de temps, même si tout est venu spontanément, j’avais le déroulé en tête et les mots sont venus naturellement. Je pense que j’avais besoin de ça pour faire le deuil de mon passé. Cela a été une thérapie pour moi c’était très apaisant, j’ai déballé des secrets que j’avais tu jusqu’à maintenant, je me suis ouvert au monde.
Ça été un soulagement quand le livre a été terminé, satisfaction d’avoir été au bout, effet libérateur. J’avais besoin de reconnaissance, de voir de la fierté dans les yeux de certaine personne. Satisfaction de se dire : si ce livre peut faire du bien à 10 personnes cela serait magnifique. J’ai eu le grand plaisir, d’avoir le retour positif de centaines de personnes du monde entier. Mais rapidement j’ai eu une inquiétude « qu’est-ce que je vais faire maintenant ? » J’ai besoin d’avoir des projets pour avancer et être bien.
Quels sont vos autres réalisations, et projets ?
Je veux apporter mon aide et mes conseils pour ceux qui en ont besoin. J’ai mis en ligne un tutoriel montrant comment mettre une cravate, lacer ses chaussures… des petits trucs qui allègent les gestes du quotidien.
Je voudrais faire un court métrage pour parler de ce handicap. J’ai écrit un scénario de 120 pages. J’ai trouvé des partenaires et dans un premier temps, nous allons tourner un épisode pilote de quelques minutes, pour voir sa portée. Le scénario porte sur l’aide apportée à une personne qui a eu un accident, sur l’entraide dont nous pouvons faire preuve avec de l’envie. On montre que le handicap n’est pas un frein et qu’en plus, on peut aider les autres. L’idée d’un deuxième livre me traverse de plus en plus l’esprit.
Mais cela demande beaucoup d’efforts, car faire ce que l’on a envie, ça dérange. Le handicap, met encore plus en avant la répression. Aujourd’hui quand on est en situation de handicap on nous met dans une case à part, on nous témoigne peu de considération, nous croyant inutile ou incapable. Je voudrais apporter de la connaissance sur ce handicap, afin de pouvoir modifier cette attitude. L’ignorance est un fléau, malheureusement trop répandu. Ce n’est pas la faute des valides de ne pas comprendre les handicapés, ils n'est pas possible pour eux de comprendre. Le problème de certains valides c’est qu’ils croient tout savoir et, pour certains, se croient supérieur aux autres. Alors qu’ils n’ont rien à nous apprendre. Ce serait même l’inverse dans beaucoup de situations.
La seule difficulté pour la réalisation de ses projets c’est de s’en donner les moyens.