Amandine, malvoyante et globe-trotteur

  • Sa fierté
    A bien y réfléchir, Amandine est plutôt fière de son cursus universitaire, malgré son handicap, et fière d’oser voyager seule à l’autre bout du monde, en autonomie.
    La photo de cet article la montre sur l'Etna (octobre 2015)
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    Amandine, peux-tu nous dire en quelques mots qui tu es et quel est ton parcours ?

    Je suis malvoyante, j’ai une acuité visuelle d’environ1/20e à chaque œil de loin et 3/10e de près. Concrètement, je vois mal les reliefs (un pavé descellé dans une rue ou une marche à un endroit inattendu) et j’ai besoin de contraste (luminosité, couleur). Je vois peu de loin, il m’est donc difficile d’anticiper la présence des cyclistes, piétons, chiens… Tout ceci complique évidemment mes déplacements, puisque je ne conduis pas, et me demande beaucoup plus d’efforts et de concentration pour arriver aux mêmes résultats qu’un valide. C’est pourquoi je vis au centre-ville à proximité d’une station de métro, afin de mener mes vies professionnelle et sociale comme je l’entends.

    Mes parents m’ont scolarisée en milieu ordinaire avec l’appui du centre spécialisé de Lestrade. J’ai ainsi obtenu mon Bac avec mention Bien, un Master 2 Recherche en droit puis un Master Spécialisé en Marketing, Management et Communication à Toulouse Business School (TBS). J’ai ensuite eu des expériences dans plusieurs entreprises, en tant que Chargée de Communication.

    Actuellement indépendante, j’accompagne des entreprises dans la mise en œuvre de leur politique handicap. Ma structure s’appelle «Atout-caP».

    Ce qui m’a permis de concrétiser ces projets ? Sans doute ma persévérance, mon tempérament positif et extraverti ainsi que ma capacité d’adaptation.

     

    Focus : tu es fan de voyages ? Peux-tu nous expliquer comment l’on voyage lorsqu’on y voit aussi peu ?

    Mes défis, en dehors du quotidien, ce sont les voyages. Je suis déjà allée aux USA, en Chine, en Afrique du Nord -plusieurs fois- et dans de nombreux pays européens. Je reste aussi parfois en France : une virée en tandem sur l’île de Ré, un long week-end à Paris de temps en temps où à la découverte de Lyon, Marseille ou Arles.

    Voyager me permet avant tout de m’enrichir en découvrant de nouveaux paysages, un patrimoine, et des architectures différentes (même si je ne vois pas tous les détails) mais aussi d’autres cultures, histoires, façons de vivre. Voyager c’est sentir d’autres odeurs (plantes endémiques par exemple), parfois vivre sous un autre climat, goûter à des cuisines variées, et surtout aller à l’encontre d’autres gens… on découvre ainsi un ailleurs. 

    Comme tout le monde, une fois ma destination choisie, je réserve le moyen de transport avec le meilleur rapport qualité / prix. Quand mon voyage implique des correspondances, je fais appel au service d’assistance*.  De plus Je n’hésite pas à demander de l’aide dans les aéroports ou les gares, pour la lecture des panneaux d’affichage. Etant d’un naturel ouvert, je vais spontanément vers les autres, et, avec le sourire, on ne peut rien vous refuser ! J’arrive toujours à me faire comprendre, en français, en anglais, avec quelques mots dans une autre langue ou avec les mains !

    Concernant les hébergements rien de particulier : hôtels, chez des amis, ou chez l’habitant. J’hésite encore à aller en Airbnb ou à faire l’échange de maison en étant seule, car ne connaissant pas les lieux l’utilisation de la cuisine (j’adore cuisiner) pourrait s’avérer difficile. Mais je pense que je vais bientôt franchir le pas.

    Sur place, j’utilise parfois ma canne jaune (elle est blanche pour les non voyants). A Toulouse je n’en ai pas besoin, mais quand je ne connais pas les lieux, ça m’aide ! Malgré tout, j’ai pu constater qu’utiliser ma canne met une barrière : les gens me parlent moins. Ceci étant, il faudrait que je l’utilise davantage, pour faire un véritable bilan. Je l’ai utilisée 2 ou 3 fois, quand je me suis sentie en danger sur la route, à Malte et à Rome, pendant 4 jours.

    Certains pays sont en avance en ce qui concerne l’accueil des personnes handicapées. Par exemple l’Abbey Theater de Dublin m’a proposé une place au centre et au 1er rang afin que j’assiste dans les meilleures conditions à une représentation, bien que j’aie pris ma place au dernier moment. Je n’ai jamais bénéficié de cela en France, dans un établissement équivalent. De même lors de mon séjour, de 3 semaines à Pékin, j’ai eu la surprise de m’apercevoir que, là-bas, les cheminements tactiles existaient un peu partout dans la capitale (c’était en 2007). J’ai également découvert lors de ma visite de la Cité Interdite des audio guides géo localisés : les commentaires se déclenchent dès que l’on arrive dans la pièce commentée, ce qui est l’idéal pour moi, car la plupart du temps, pour utiliser un audio-guide il faut composer sur le boîtier le numéro difficilement repérable affiché sur l’œuvre ou dans la salle qui nous intéresse, et lorsqu’on est malvoyant, ce n’est pas gagné ! D’ailleurs je reviens de Rome, et sur les 3 audio-guides mis à disposition, je n’ai pu en utiliser qu’un seul en autonomie… Au Colisée, il était sur un smartphone sans grossissement possible (je dépendais de l’amie avec qui je voyageais cette fois-là… Seule je n’aurais pas pu en profiter). Au Vatican, il fallait scanner des chiffres minuscules sur un plan, je n’étais à nouveau pas autonome. Enfin au Palazzo Massimo, j’ai pu m’en servir seule (même s’il fallait trouver des chiffres sur des panneaux) !

    En ce qui concerne les guides de voyage, les éditions papier sont inaccessibles pour moi. D’abord sur tablette, puis maintenant sur mon smartphone, j’utilise les guides numériques accessibles via des applications (gratuites ou payantes). 

     

    Pourquoi aimes-tu tant voyager ?

    Ces voyages sont très enrichissants pour moi, j’ai l’impression de mieux comprendre le monde dans lequel je vis et je me sens ouverte à l’autre.

    Cela me demande des efforts supplémentaires mais la rencontre d’autres gens, la découverte d’autres lieux et le fait de vivre de telles expériences le valent largement.

    D’ailleurs, je ne compte pas m’arrêter là… sur ma « Wish list voyages » il y a comme prochaines destinations : le Chili, le Mexique, les USA, le Canada, la Russie, l’Egypte et le Portugal. 

     

    As-tu un dicton ou une phrase fétiche ?

    Oui ! « Viser la lune pour tomber dans les étoiles » (Oscar Wilde)

     

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    * NDLR : la SNCF (Accès plus), les aéroports et les compagnies aériennes  ont mis en place des services d’assistance aux personnes à mobilité réduite.

    • Portrait d'Amandine
  • Son handicap
    Visuel : malvoyante
  • Nom et prénom
    Pillot Amandine
  • Sa Ville
    Toulouse (31)
  • Pays
    France
  • Date de naissance de la personne
    mercredi 5 octobre 1983
  • Mots clés
    voyage | mal voyante
Liens
www.atout-cap.com/
fr.linkedin.com/in/amandine-pillot-7653727
www.cival-lestrade.asei.asso.fr