Alice, une passerelle entre deux vies
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Sa fiertéTenter d'apporter du mieux-être auprès des usagers du centre Hélio marin de Vallauris
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(Portrait réalisé par Nathalie, qui réalise les portraits pour HaudaCity)
Par l'intermédiaire d'un ami, j'ai eu la chance de rencontrer une jeune femme pleine d'enthousiasme, qui consacre sa vie à apporter un rayon de soleil aux patients en rééducation. J'ai recueilli ses propos, je vous propose de découvrir son portrait
Alice est animatrice socio-éducatrice au Centre Helio marin à Vallauris et administratrice de l’association des anciens et patients du Centre.
Depuis l’âge de 16 ans, elle est animatrice bénévole au sein des quartiers en tant qu’aide aux devoirs, elle a un Brevet d’Etat d’animatrice et est salariée au centre depuis 2001.
Alice, en quoi consiste votre travail ?
"Je suis animatrice, salariée (à temps plein) au centre Héliomarin de Vallauris. Le centre Héliomarin est un centre de réadaptation et de convalescence qui peut accueillir 170 personnes en internat.
Dès l’arrivée des patients au centre, je leur propose de participer à une réunion d’accueil et d’information qui a lieu toutes les semaines.
Pour le bon fonctionnement du centre, les soins sont programmés, les usagers sont alors occupés pour leurs soins, le kiné, l’ergo balnéo, la gym…. Ils n’ont pas vraiment de temps libre à ce moment-là, c’est donc l’après-midi que j’interviens… je suis présente de 13h à 19h pour proposer des activités. Une salle est réservée, dans laquelle les personnes peuvent faire toutes les activités qu’elles souhaitent. Elles sont libres de venir ou pas. Cette salle leur appartient en quelque sorte. Je mets à leur disposition toutes sortes d’activité, culturelles, ludiques, activités manuelles, accompagnement administratif. Si elles veulent aborder une activité nouvelle je leur donne les bases. J’essaie de renouveler les activités en fonction de la mouvance."
Qu’apportez-vous aux personnes qui arrivent au centre ?
"Certains viennent tout juste de subir une intervention chirurgicale programmée à l’avance, comme le remplacement de prothèses suite à l’usure. Ces patients sont au courant de leur état et savent vers quoi ils tendent et pour combien de temps ils auront besoin de rééducation.
D’autres arrivent au Centre à la suite d’un accident de la vie : là c’est plus compliqué car les personnes ne savent pas comment leur état va évoluer et jusqu’à quel point.
Mon local est un peu en retrait par rapport à la zone de soin, c’est donc un lieu à part dans lequel ils peuvent venir respirer… ils n’ont plus l’impression d’être dans le médical. Ils peuvent venir s’exprimer. Comme cet espace est un peu un « refuge » et que les usagers peuvent se livrer plus facilement, il arrive qu’un membre du corps médical (ergothérapeute, aide-soignante, psychologue, kiné, orthophoniste, le médecin, l’infirmière), me signale qu’un usager ne va pas bien afin d’essayer ensemble de lui proposer quelque chose qui puisse l’intéresser. Je vais alors dans sa chambre pour lui proposer de venir participer aux activités.
Mon but est de créer du lien entre les patients, et ces liens se tissent assez naturellement car ils ont vécu la même chose, il n’y a plus de barrières par rapport à cela. Au centre, ils sont tous ici dans la même galère, sur le même bateau. Il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas d’exclus.
Les usagers réagissent de manières variées à mon égard. Certains estiment que je dois avoir un grain de folie en arrivant avec le sourire, ma bonne humeur, mon dynamisme. Je leur dis que ça va aller, et qu’ensemble on va y arriver. Je leur propose des activités, ou toute autre chose permettant d’établir une communication, pour qu’ils sortent de leur chambre et rencontrent du monde. C’est important, et d’ailleurs, tout dans le centre est fait pour que les usagers se retrouvent en groupe, la salle de kiné, de restauration, le but étant de créer du lien social pour que les gens puissent passer un temps autre, que celui de la douleur, même si celle-ci existe et qu’il faut la prendre en considération.
Certains sont partants tout de suite, d’autres sont plutôt réticents au début, mais à un moment ou un autre ils viennent. Entre eux ils se motivent, se valorisent, car ils savent et connaissent ce que l’autre endure. Ils ont cette légitimité d’empathie plus que l’entourage ou le corps médical, même si ceux-ci sont très importants tout au long du processus de reconstruction.
Cette salle de vie permet la rencontre de personnes venant de tous horizons, d’âges différents. Cette mixité apporte beaucoup de richesse dans les échanges et de la motivation. Les plus âgés encouragent les plus jeunes et vice-versa."
Vous êtes seule dans cet accompagnement ?
"Non, car je fais aussi partie, en tant que bénévole, d’une association des anciens patients du centre Héliomarin. Ses membres ont un discours plus légitime que le mien. Ils encouragent les nouveaux patients en leur racontant leur parcours et comment ils s’en sont sortis. On essaie de mettre en lien des personnes qui ont vécu le même traumatisme et qui gardent un handicap (par exemple, une amputation) par le biais de l’association des anciens patients et l’Adepa (Association de Défense et d’Etudes des Personnes Amputés). Ils peuvent parler de leur expérience, communiquer leurs astuces pour la vie de tous les jours.
Mettre des personnes en relations, permet aux usagers nouvellement handicapés d’affronter différemment la vie qui les attend : Ils se disent « si lui y est arrivé, alors pourquoi pas moi ? »
Avec l’expérience et les années, ces « nouveaux patients » développent à leur tour leurs propres astuces car chacun a des habitudes de vie différentes.
Le retour au domicile est une étape importante car au centre tout est fait pour faciliter le quotidien, les sanitaires sont adaptés, tout est mis à hauteur pour les personnes en fauteuil… Mais à la maison rien n’est prévu, d’où la proposition faite aux patients de pouvoir rentrer chez eux dès que c’est possible pour une journée ou deux, afin de constater les modifications qu’ils vont devoir apporter à leur logement avant le retour définitif. Chacun va devoir trouver des adaptations en fonction de son rythme de vie, de ses habitudes et de son handicap. Il est important que les personnes retournent de manière épisodique chez elles afin d'être confrontées à la réalité, et à appréhender les difficultés qui vont survenir.
L’association des anciens patients les aide dans cette démarche. Les anciens trouvent un équilibre à travers ces échanges en apportant leur expérience, leur compréhension, leur énergie, leur motivation. Ils interviennent en fonction de leur disponibilité, pour certains c’est tous les jours, d’autres ponctuellement. Ils mettent en place des sorties, des soirées loto, jeux de société…
Le centre est une bulle nécessaire pour que les patients puissent se reconstruire, et ensuite l’entourage prend le relais. Entre les personnes qui se rencontrent, il y a des liens très forts qui se tissent, et souvent se poursuivent en dehors du centre. Les gens se retrouvent régulièrement pour prendre des nouvelles.
L’entourage ne perçoit pas toujours, que le fauteuil est une étape vers la liberté, pour la personne récemment accidentée. Il est fréquent que la famille ait du mal « à faire son deuil » du proche en tant que valide. Il faut souvent du temps pour accepter que la personne ne soit plus comme avant."
Quel comportement adoptez-vous face aux patients ?
"Il est différent d’une personne à une autre, en fonction des liens qui se créent au fil des jours. Il ne faut pas oublier que je ne suis qu’une passerelle dans la vie de ces gens. En fonction d’une situation, je peux être très calme et apaiser les choses ou être une personne burlesque. Dans un 2-ème temps, je prends la situation dans sa globalité, et je réfléchis à la manière de réagir au mieux, ne pas dépasser certaines limites dans la relation et toujours dans le respect mutuel de l’un et l’autre en connaissant les conséquences de mes paroles et de mes actes. Je m’investis beaucoup dans mon travail et il m’arrive d’être plus touchée par les histoires des uns et des autres, donc je « mets des barrières » entre eux et moi pour garder mes distances, afin de pouvoir rester professionnelle. Je peux me permettre beaucoup de choses avec eux, mais c’est en fonction du moment, du contexte, de la personne à qui je m’adresse, en fonction de ce que je ressens, le tutoiement ou le vouvoiement mais toujours dans le respect."
Que vous apporte cet engagement ?
"Tout d’abord un enrichissement personnel, avec des rencontres fabuleuses tous les jours, de gens extraordinaires de milieux différents, qui de par leur parcours permettent des échanges très riches.
Ce travail me permet d’avoir une activité très variée, quand j’ouvre la salle à 13h, je ne sais pas qui va venir, ce qui va se passer, il me faut une grande capacité d’adaptation pour répondre à la demande des usagers. Les journées se suivent et ne se ressemblent pas. Mon travail me permet de me sentir utile, auprès de personnes qui en ont besoin.
J’apprécie aussi de revoir des usagers qui ont quittés le centre et qui reviennent me voir, ou d’avoir de leurs nouvelles."
Vous avez une phrase ou une citation qui vous inspire?
"Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent et une confiance inébranlable pour l'avenir" (Jean Jaurès)